Payé pour ne rien faire et pour rester à la maison ….alors qu’il veut travailler
Le harcèlement moral ce n’est pas uniquement des insultes ou des violences psychologiques ; il peut prendre des formes surprenantes, comme le cas de ce contrôleur SNCF que l’on paie pour rester chez lui depuis 5 ans , alors qu’il veut travailler! avec nos impôts….
Cet affaire a été examiné par le conseil de prud’hommes de Bobibny le 3 novembre 2020.
Vous trouvez ci-après un article du Parisien écrit par la journaliste Madame Nathalie Revenu paru le 4 novembre 2020.

Payé à ne rien faire depuis cinq
ans, le cheminot attaque la SNCF
: «Je veux travailler !»
Payé pour rester à la maison, c’est ce que vit
un cheminot depuis cinq ans. Il veut retourner
au travail, mais la SNCF, selon lui, ne lui
propose pas le poste adéquat. Sa situation
était examinée devant le conseil de
prud’hommes de Bobigny ce mardi.
Bobigny (Seine-Saint-Denis), conseil de prud’hommes, ce mardi. Thiemokho Touré estime que la SNCF ne lui a pas
proposé un emploi adapté à ses qualifications.
« La situation est kafkaïenne », tonne Maître Marc Montagnier
devant le conseil de prud’hommes de Bobigny (Seine-Saint-Denis).
Ce mardi matin, il expose le cas de Tiemokho Touré, 44 ans,
cheminot depuis vingt-deux ans et originaire de l’Essonne.
En ces temps de pandémie, l’avocat saute sur une accroche toute
trouvée : « Nous avons tous connu un premier confinement. C’était
dur. M. Touré, ça fait cinq ans qu’il le vit. Il est payé avec votre
argent à rester chez lui, alors qu’il veut travailler! » déclame-t-il
face aux conseillers prud’hommes.
Un bras de fer s’est engagé entre le contrôleur sans affectation et
son employeur, la SNCF. Son avocat réclame qu’on le sorte du
placard et qu’on l’emploie à un poste correspondant à sa
qualification en « l’affectant à la gare de Lyon comme contrôleur de
train ». Il réclame au passage la somme de 180 000 euros.
Insultes racistes de collègues
Les désillusions entre le salarié et son entreprise remontent au-delà
de 2015. Entre 2007 et 2010 Touré est la cible d’injures racistes à
son travail. Des collègues font mine de cracher dans leurs paumes
pour ne pas lui serrer la main. Ils l’apostrophent ainsi : « La SNCF,
c’est pas fait pour les Noirs. »
A l’époque, il obtient du groupe leur mise à pied pendant six jours.
Mais ces comportements répétés ont eu raison de ce solide gaillard.
Pendant quatre ans, il sera en arrêt maladie pour accident du travail
dû au harcèlement discriminatoire. Un protocole d’accord avec
l’entreprise est cependant signé en 2012. « Je me suis engagé à ne
pas aller en justice en échange d’une revalorisation de ma situation
et un soutien pour que je puisse reprendre le travail, explique-t-il.
Mais ils n’ont pas tenu leur promesse.»
«Il a l’impression d’être un colis encombrant»
Il accuse son employeur de ne pas avoir suivi les recommandations
de la médecine du travail qui indiquait qu’il devait travailler en
dehors de la Région Paris Rive Gauche, un établissement où
sévissent toujours ses harceleurs.
Représentée par Maître Zoé Rival, la SNCF, rétorque : «La SNCF a
réagi immédiatement en affectant provisoirement ces agents dans
un autre service et en prenant des sanctions. Le préjudice a été
reconnu. En mars 2009, une transaction a abouti au versement de
45 000 euros et un accord a été pris pour lui accorder une
qualification supérieure. Ensuite, la SNCF n’a eu de cesse de lui
faire des propositions pour reprendre le travail mais cela ne satisfait
jamais M. Touré. »
Ce dernier secoue la tête. Son avocat explique : « Mon client a
demandé à être affecté à la gare de Lyon comme contrôleur, pas à
l’accueil des voyageurs. Il a l’impression d’être un colis encombrant
que l’on fait exploser pour s’en débarrasser. »
«J’ai vingt-deux ans d’ancienneté et on ne me trouve pas de place»
Le contrôleur « assigné » à résidence fulmine quand cet été il
découvre que Ouigo SNCF recrute des contrôleurs et leur propose
une formation en quinze jours. « Moi j’ai vingt-deux ans
d’ancienneté et on ne me trouve pas de place », s’émeut le
cheminot. Maître Rival précise : « La gare de Lyon sur les lignes
TGV, ce sont les postes les plus prestigieux et les plus demandés par
les agents. » Et elle avertit : « Il risque de croiser à nouveau ses
harceleurs de la gare d’Austerlitz. »
A cela s’ajoute une série de revers vécus par l’agent comme autant
d’humiliations. Avant la reprise du travail, en janvier 2015, la SNCF
lui inflige des tests psychologiques. « Ces tests sont demandés lors
d’un recrutement ou en cas d’accident grave », précise Maître
Montagnier. Après quatre ans de résistance, il s’y soumettra
finalement, avec succès. L’avocate du groupe ferroviaire objecte : «
Depuis 2009, il n’a pas exercé ses fonctions, des fonctions dans
lesquelles il effectue des tâches liées à la sécurité ferroviaire. Il est
nécessaire de vérifier ses aptitudes psychologiques. Tous les
contrôleurs doivent le passer. »
Pire, bien qu’il n’ait pas d’affectation, il est poursuivi par le conseil
de discipline pour « absence injustifiée ». Mais aucune sanction
n’est prononcée.« Je ne me suis pas absenté de mon poste : on ne
me donne pas de travail », rectifie l’intéressé.
Son avocat livre son sentiment : « M. Touré n’est pas près de
remonter dans un train. La SNCF lui fait payer la médiatisation de
son affaire. » Mais le cheminot confiné, qui n’a pas n’a pas perdu en
combativité : « Sans tout cela, je devrais être cadre. Il y en a qui ont
jeté l’éponge. Moi, je ne lâche pas l’affaire. » Le jugement sera
rendu le 16 février prochain.