La libération d’un détenu pour conditions de détention indignes : c’est désormais possible !

La libération d’un détenu pour conditions de détention indignes : c’est désormais possible !

La Chambre criminelle de la Cour de cassation par son arrêt du 08 juillet 2020 rend possible la libération d’un détenu pour conditions de détention indignes.

La Convention Européenne des Droits de l’Homme, à son article 3 condamne les traitements inhumains et dégradants. C’est sur ce fondement que la libération d’un détenu peut être obtenue.

Et; la Cour de cassation rappelle que le juge judiciaire doit veiller en tant que gardien de la liberté individuelle à « ce que la détention provisoire, soit en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant. »

En l’espèce, un homme placé en détention provisoire au centre pénitentiaire de Ploemeur demande une mise en liberté. Sa demande sera rejetée par le Juge des Libertés et de la Détention, mais aussi par la Cour d’Appel.

Le détenu forme alors un pourvoi en cassation, dans lequel il dénonce ses conditions de détention.

En l’espèce, il n’obtient pas gain de cause car il ne faisait état que des conditions générales de détention au sein de la maison d’arrêt dans laquelle il est détenu, sans précisions sur sa situation personnelle (et notamment sur la superficie et le nombre d’occupants de la cellule, son agencement intérieur et le nombre d’heures journalières d’occupation).

Pour que la liberté soit accordée il faut que le détenu fasse état de sa situation personnelle et non pas des conditions générales de détention au sein de la prison.

Selon la Cour de cassation, « lorsque la description par le détenu des conditions de détention supposément dégradantes est crédible et raisonnablement détaillée, de sorte qu’elle constitue un commencement de preuve d’un mauvais traitement au sens de l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, la charge de la preuve est transférée au gouvernement défendeur, qui est le seul à avoir accès aux informations susceptibles de confirmer ou d’infirmer les allégations du requérant. (Cour EDH, 30 janvier 2020 J.M.B et autres c.France n°9671/15 § 258). »

Le commencement de preuve peut être apporté par des précisions sur la surpopulation carcérale, le manque d’intimité et de l’insécurité qui en découlent et conduit à priver les personnes détenues d’un espace de vie personnel suffisant.

En effet, cet élément peut suffire à révéler, en tant que tel un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

De plus, la Cour de cassation rappelle qu’une fois que la situation dénoncée à cessé, la personne doit disposer d’un recours indemnitaire (Cour EDH, 30 janvier 2020, J.M.B et autres c.France n°9671/15 § 167)

Jusqu’à présent, la Cour de cassation avait posé en principe dans son arrêt rendu par la Chambre criminelle le 18 septembre 2019 (pourvoi n°19-83.950) « qu’une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention, ne saurait constituer un obstacle légal au placement et au maintient en détention provisoire. »

Ainsi, l’arrêt du 08 juillet 2020 constitue un revirement de jurisprudence. Et, en cas d’atteinte au principe de dignité à laquelle il n’a pas été remédié, il doit être ordonné la mise en liberté de la personne, en l’astreignant à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou un contrôle judiciaire.

Cour de cassation, Chambre criminelle 08 juillet 2020, 20-81.739

Article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

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