Séparation de corps et divorce pour altération définitive du lien conjugal

Séparation de corps et divorce pour altération définitive du lien conjugal

Dans l’arrêt n° 14-10.868 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 28 mai 2015, il était question d’une épouse qui avait assigné son conjoint en séparation de corps pour faute à ses torts exclusifs. Celui-ci avait en réaction formé une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal. Le juge avait alors prononcé le divorce, ce que conteste l’épouse devant la Cour de cassation, après avoir été déboutée de sa demande par la Cour d’appel.

Le principe de séparation de corps

La séparation de corps est une alternative au divorce, permettant aux époux de rester mariés tout en les dispensant de leur l’obligation de vie commune. Elle met fin au devoir de cohabitation, ou communauté de vie, imposé aux personnes mariées quel que soit leur régime matrimonial. C’est une des règles du régime primaire impératif, régime qui s’applique que les époux aient fait le choix ou non d’un contrat de mariage.

La séparation de corps est la plupart du temps un état transitoire avant le divorce.

Elle peut être demandée pour les mêmes motifs qu’un divorce, et la procédure est similaire. Ainsi, un époux peut demander au juge de prononcer une séparation de corps pour faute, par consentement mutuel, ou encore pour altération définitive du lien conjugale.

L’article 297 du Code civil permet à l’époux contre qui est présenté une demande en séparation de corps de former une demande reconventionnelle en divorce. En l’espèce, c’est ce qu’a fait l’époux assigné en séparation de corps.

En quoi consiste le divorce pour altération définitive du lien conjugal ?

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est prévu par l’article 237 du Code civil. Il peut être invoqué lorsque les époux vivent séparés, tant matériellement qu’affectivement, depuis un certain temps. La durée minimale de séparation pour invoquer ce motif de divorce était classiquement de deux ans. Elle a été réduite par une réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2021 : l’article 238 du Code civil prévoit désormais une séparation d’au moins un an lors de la demande en divorce.

A quel moment se place t-on pour apprécier le respect des conditions d’un divorce pour altération définitive du lien conjugal ?

Dans l’arrêt dont il est question, l’épouse considérait que l’altération du lien conjugal n’était pas caractérisée. Au moment de cette affaire, la durée minimale légale de séparation était toujours fixée à deux ans. Or l’épouse opposait l’argument selon lequel au moment de l’assignation de son mari en séparation de corps, cela ne faisait pas deux ans qu’il avait quitté le domicile conjugal.

La Cour de cassation a rejeté cet argument, considérant que pour apprécier si les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal sont remplies, c’est à la date de la demande en divorce qu’il convient de se placer. Elle confirme donc la position des juges du fond.

Quelle demande prévaut entre une demande en séparation de corps et une demande en divorce concurrentes ?

L’épouse reproche au juge d’avoir prononcé le divorce, le faisant primer face à la demande séparation de corps. Elle considère que l’assignation en séparation de corps qui, certes, existe « seulement pour répondre à des convictions morales et religieuses faisant obstacle à la dissolution du lien matrimonial », reste un moyen légal de séparation des époux, au même titre que le divorce.

Cet argument n’aura pas convaincu à la Cour de cassation, qui choisit de faire une application stricte de l’article 297-1 alinéa premier, qui dispose que : « Lorsqu’une demande en divorce et une demande en séparation de corps sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande en divorce. Il prononce celui-ci dès lors que les conditions en sont réunies. A défaut, il statue sur la demande en séparation de corps. »

Civ. 1re, 28 mai 2015, FS-P+B+I, n° 14-10.868

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