Homicide involontaire et réparation du préjudice moral de l’enfant à naître
» Infans conceptus pro jam nato habetur quoties de commodis ejus agitur » L’enfant conçu sera considéré comme né chaque fois qu’il y va de son intérêt.
Cet adage issu du droit romain est toujours d’actualité et fait l’objet d’une jurisprudence constante.
Il a récemment été rappelé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 10 novembre 2020.
Il était question dans cette affaire de l’homicide involontaire d’un homme dont l’épouse était enceinte. En 2016, cet homme est victime d’un accident de la circulation aux torts d’une automobiliste sous l’emprise de l’alcool. Il n’aura pas survécu, et laisse derrière lui sa femme enceinte, qui accouchera quelques mois plus tard.
Celle-ci décide alors, en parallèle de la procédure pénale, de se constituer partie civile en son nom propre mais également en tant que représentante de son enfant, l’estimant victime du préjudice moral important que représente l’impossibilité de connaître son père.
Tout l’enjeu de cette question repose sur le statut juridique de l’individu qui n’est pas encore né. En droit français, la personnalité juridique est attribuée à toute personne au moment de sa naissance, du moins à la condition qu’elle naisse viable. On en déduit logiquement que l’enfant non né n’a pas la personnalité juridique.
Mais le défaut de personnalité juridique, de façon assez paradoxale, ne fait pas obstacle à l’octroi de certains droits à l’enfant à naître.
L’enfant non né a donc des droits dès sa conception. Toute la question est de savoir comment déterminer le jour de la conception, ce qui peut se révéler complexe en pratique. L’enjeu est considérable : Savoir si un enfant était ou non conçu à un moment précis va déterminer s’il est bien titulaire de droits, notamment, comme dans le cas présent, dans le cadre du décès de son père avant sa naissance.
L’article 311 du Code civil règle la question, en posant une présomption de conception : l’enfant est présumé conçu dans la période qui s’étend du 300e jour au 180e jour inclusivement avant la naissance.
Dans l’arrêt dont il est question, l’enfant était bien présumé conçu en vertu de cet article. La Cour de cassation a donc confirmé le jugement de la Cour d’appel, qui reconnaissait le droit de l’enfant à demander la réparation de son préjudice résultant du décès de son père.
De nombreux arrêts se sont alignés sur cette jurisprudence dont celui rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, 14 déc. 2017, n° 16-26.687, Bull. civ. II. N° 23.
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/2045_10_45911.html