Délivrance d’une ordonnance de protection en matière de violences conjugales
Aux termes de l’arrêt n°19-22.973 rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 10 février 2021, une ordonnance de protection peut être délivrée aux victimes de violences conjugales.
En l’espèce, une épouse avait été victime de violences, à plusieurs reprises, de la part de son mari. Elle avait donc saisi le juge aux affaires familiales (JAF) afin d’obtenir une ordonnance de protection à l’égard de son conjoint. Ce dernier, quant à lui, avait allégué des faits de violences psychologiques et économiques commis à son encontre par sa conjointe ainsi que des dégradations matérielles, sans violence physique associée. Jugeant la requête de l’épouse fondée, la cour d’appel lui avait en conséquence attribué la jouissance du logement familial, ordonné sans délai le départ des lieux de l’époux, sans retenir les arguments de ce dernier, et en tant que de besoin, son expulsion avec l’assistance de la force publique. Suite à cela, le conjoint s’est pourvu en cassation afin de faire valoir qu’il était lui-même, et non sa conjointe, exposé à un danger et afin de contester l’ordonnance de protection délivrée à cette dernière.
→ Quelle protection juridique pour les victimes de violences conjugales ?
Aux termes de l’article 515-9 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019, lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection.
Selon l’article 515-11, alinéa 1er, du code civil, dans la même rédaction, l’ordonnance de protection est délivrée dans les meilleurs délais par le juge aux affaires familiales, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés.
→ Le principe de l’ordonnance de protection
Cette ordonnance de protection permet au JAF de garantir, dans l’urgence, la protection des victimes de violences conjugales ou intrafamiliales.
Ainsi, toute personne victime de violences exercées au sein d’un couple peut demander au juge aux affaires familiales une ordonnance de protection. Ce couple peut être indifféremment actuel ou ancien, marié, pacsé et peu importent la durée de la relation et l’existence ou non de cohabitation.
S’agissant des violences, celles-ci peuvent être tant physiques que psychologiques, économiques ou sexuelles et mettre en danger la victime et/ou un ou plusieurs enfants.
→ Quelle solution lorsque les deux conjoints s’estiment victimes de violences conjugales ?
Pour contester la décision de la cour d’appel, le conjoint affirmait devant la Cour de cassation qu’il était lui-même victime de violences psychologiques et économiques de la part de sa femme et que ses arguments n’avaient pas, à tort selon lui, été examinés par la cour d’appel.
Or, il est à préciser que la réciprocité des violences, pour peu qu’elle soit établie, peut être une donnée considérée par le juge pour orienter sa décision puisque la délivrance d’une ordonnance de protection ne peut, normalement, être destinée qu’à assurer la protection d’un seul des conjoints, ordinairement le plus menacé.
En l’espèce, la Cour de cassation a estimé que l’ordonnance de protection délivrée à la conjointe était justifiée tandis que les violences alléguées par le conjoint ne sauraient être constitutives de violences conjugales.
→ Que retenir de l’arrêt d’espèce ?
Cet arrêt rappelle plusieurs principes s’agissant de la délivrance d’une ordonnance de protection :
- Pouvoir souverain d’appréciation du JAF s’agissant de la réunion des conditions de délivrance d’une ordonnance de protection ;
- Caractérisation d’une mise en danger ;
De plus, l’arrêt d’espèce apporte des précisions importantes relatives à l’ordonnance de protection. Deux conditions cumulatives sont à établir :
- Commission vraisemblable des faits de violence allégués ;
- Danger actuel et probable auquel la victime ou ses enfants sont exposés ;
Enfin il s’agit de préciser que la réitération des actes de violence est un critère d’appréciation essentiel à la caractérisation des conditions précitées et que, depuis la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019, la délivrance d’une telle ordonnance n’est pas conditionnée par l’existence d’une plainte pénale préalable ni à l’existence d’un cohabitation.