Le droit à la déconnexion en France
L’usage professionnel des outils numériques a observé une courbe croissante depuis 1998, avec 50,9 % des salariés qui faisaient un usage professionnel de ces outils à l’époque. En 2013, ce pourcentage atteignait les 71,1%. Avec cette hausse est alors apparu des questions quant aux bons usages des outils numériques dans le cadre du travail. La communication à toute heure et en tout lieu est rendue possible par ces outils. S’est posée la question de leur encadrement, le droit à la déconnexion, sujet désormais important.
L’article L. 2242-17 1° du Code du travail prévoit que les employeurs doivent permettre à leurs salariés d’articuler leur vie personnelle et leur vie professionnelle. Aucune sanction réelle n’est prévue si l’employeur ne met pas en place des moyens pour assurer le droit à la déconnexion.
C’est à l’article L. 2242-8 du Code du travail qu’est prévu la négociation entre employeur et représentants des salariés quant au droit à la déconnexion. Concrètement, le « droit à la déconnexion » est le droit pour le salarié de ne pas être joignable en dehors de son temps de travail. Cela doit lui permettre de se consacrer à sa vie privée et à sa famille. Mais aussi de respecter les temps de repos et les congés.
La seule obligation sera de soumettre ce droit à négociation avec les représentants des salariés. Si l’employeur ne respecte pas son obligation de négocier, alors il encourt des sanctions pénales. Ces sanctions sont à l’article L. 2243-2 du Code du travail, et peuvent aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.
L’employeur doit prendre l’ensemble des mesures de prévention prévues par l’article L. 4221-1 Code du travail (actions de prévention des risques professionnels, actions d’information et de formation,…) et en cas de réalisation d’un risque, toutes dispositions nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la santé physique et mentale des salariés. Or, la « sur-connexion » (ou « hyper-connexion ») peut entraîner des effets négatifs sur la santé mentale des salariés. La « sur-connexion » des salariés dans le cadre de leur travail peut avoir des effets néfastes, que l’on constate depuis plusieurs années. Par exemple, le « stress numérique » c’est-à-dire le fait d’être continuellement connecté à son travail par l’intermédiaire des outils numériques y compris en dehors des heures de travail ». Ce stress est une charge mentale, qui peut entraîner de la fatigue, et une baisse de productivité. Cela empêche aussi les salariés de profiter pleinement de leur vie personnelle et de leur temps de repos.
Les entreprises doivent donc mettre en place des mesures afin de limiter cet effet de « sur-connexion » des employés. Si beaucoup d’entreprises choisissent la pédagogie, peu semblent avoir mis en place un dispositif contraignant pour leurs salariés. La plupart des mesures sont des fenêtres pop-up de rappel, ou des messages pour signaler qu’après une certaine heure, rien n’oblige les salariés à répondre à leurs mails. D’autres préfèrent délivrer de façon régulière des bilans sur la consommation numérique de leurs employés (comme chez Orange par exemple). En Allemagne, Volkswagen adopte, au contraire, des mesures contraignantes qui ne voient pas le jour en France, en coupant ses serveurs tous les soirs jusqu’au matin suivant.
Le salarié qui n’a pas son droit à la déconnexion respecté par l’entreprise peut se prévaloir de dommages-intérêts sur plusieurs fondements.
Notamment, le syndrome du surmenage ou de l’épuisement professionnel, dit burn out. Depuis la 11ème révision de la classification internationale des maladies par l’OMS, il est considéré comme un phénomène lié au travail. Il peut avoir plusieurs facteurs, tel que la surcharge de travail, et la pression temporelle. Le fait d’être constamment connecté peut affecter la personne en l’amenant à ne pas avoir de vrais temps de repos, et empiéter sur sa vie privée.
L’employeur a une obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé physique et mentale des travailleurs (article L. 4121-1 du code de travail). La Cour de cassation dans un arrêt de 2002 précise que cette obligation de l’employeur est une obligation de résultat. Sa responsabilité peut donc être engagée sur ce fondement pour indemniser le salarié.
Par ailleurs, si le droit à la déconnexion n’est pas respecté par l’employeur, le salarié pourrait demander des heures supplémentaires. Par exemple, s’il reçoit des messages auxquels il doit répondre après les heures prévues dans le contrat de travail. Or, les heures supplémentaires selon le Code du travail, à l’article L3121-28 « Toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent ». Ainsi, si le salarié est rentré mais qu’il continue de recevoir des messages de son entreprise auxquels il répond, ce temps peut éventuellement s’additionner en heures supplémentaires. La Chambre sociale de la Cour de cassation était allée dans ce sens le 12 juillet 2018. Elle avait estimé que lorsqu’un salarié doit laisser en permanence son portable allumé pour répondre aux appels d’urgence, il est en astreinte. Cet arrêt laisse donc à penser que si l’entreprise du salarié ne respecte pas ce droit à la déconnexion, il pourra lui demander des heures supplémentaires.