Il est interdit de prendre le volant en ayant consommé du CBD
La Haute juridiction fait régulièrement face à des affaires de conduite sous l’empire de stupéfiants.
Le cannabidiol (CBD) est une substance naturellement présente dans la plante de cannabis. Contrairement au THC, le CBD et un cannabinoïde non psychoactif. Il est légalement commercialisé et consommé en France à condition que le produit ne contienne pas plus de 0,3 % de THC.
Au vu de la légalisation de ce produit, justifiée par le faible taux de THC, la question s’est posée de savoir si la consommation de CBD au volant était autorisée ou bien pénalement répréhensible.
Dans un arrêt du 21 juin 2023, la Cour de cassation a tranché : la conduite après consommation de CBD, une substance a priori légale, est désormais considéré comme une infraction. (Cass, crim, 21 juin 2023, 22-85.530)
En l’espèce, un conducteur a été arrêté au volant et, par jugement du 21 janvier 2021, le Tribunal correctionnel l’a déclaré coupable de conduite d’un véhicule en ayant fait usage de produits stupéfiants, et d’excès de vitesse. Le conducteur a été condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis, à six mois de suspension du permis et à 50 euros d’amende.
Il a relevé appel une première fois. La Cour d’appel de Rouen, le 5 septembre 2022, a relaxé le conducteur du chef de conduite après usage de stupéfiants. Le ministère public a formé un appel incident.
1 – LES RAISONS DE LA COUR D’APPEL :
La Cour d’appel de Rouen a en effet relaxé le conducteur de ce chef d’accusation au motif que « s’agissant de la présence de cannabis dans la salive, l’expertise toxicologique, qui en fait état, ne mentionne pas de taux de THC, et qu’en outre, aucune investigation n’a été menée afin de savoir si le CBD consommé par l’intéressé dépassait ou non la teneur admise en tétrahydrocannabinol, fixée à moins de 0,20 % à la date des faits. ». La relaxe s’explique par l’incertitude des juges sur la culpabilité du conducteur.
Pour rappel, le CBD est légal tant qu’il ne contient pas au taux de THC supérieur à 0,30 %. La Cour d’appel a utilisé ce seuil pour déterminer si l’action était constitutive d’une infraction. C’est-à-dire que, pour la Cour d’appel, il faut que le taux de THC soit supérieur au taux légal pour que l’infraction soit constituée.
En l’espèce, elle en a ainsi conclu que « ni l’élément matériel, ni l’élément intentionnel de l’infraction (étaient) établis avec certitude ». La Cour d’appel a en effet considéré que le seuil était un « seuil d’incrimination ».
2 – LA DÉCISION DE LA HAUTE JURIDICTION :
Or, comme le dit la Cour d’appel, il s’agit d’un « seuil de détection et non un seuil d’incrimination. »
En effet, la loi prévoit un seuil de détection pour le THC, toutefois ce seuil constitue un objectif à atteindre pour les laboratoires en charge de ces analyses. Il a pour unique but de permettre aux laboratoires de s’assurer de la légalité du produit, en vérifiant que le taux de THC autorisé n’est pas dépassé.
C’est pourquoi la Cour de cassation ne va pas prendre en compte ce seuil pour caractériser l’infraction. Elle applique strictement l’article L 235-1 du Code de la route. Ce texte « incrimine le seul fait de conduire après avoir fait usage de stupéfiants, cet usage étant établi par une analyse sanguine ou salivaire, peu important que le taux de produits stupéfiants ainsi révélé soit inférieur au seuil minimum prévu par l’arrêté, en vigueur au moment des faits, fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l’usage de stupéfiants, qui est un seuil de détection et non un seuil d’incrimination. »
La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Rouen. Elle considère que le dosage importe peu dès lors que la présence de THC est avérée, puisque « le tétrahydrocannabinol (THC) est une substance classée comme stupéfiants » selon l’article L 5132-7 du Code de la santé publique :
« Les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II par décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, sans préjudice des dispositions réglementaires applicables aux plantes, substances ou préparations vénéneuses inscrites sur les listes I et II mentionnées au 4° de l’article L. 5132-1 contenues dans des produits autres que les médicaments à usage humain. »
Ainsi, la Cour de cassation affirme que « l’autorisation de commercialiser certains dérivés du cannabis, dont la teneur en delta 9 tétrahydrocannabinol, substance elle-même classée comme stupéfiant par l’arrêté susvisé, n’est pas supérieure à 0,30 %, est sans incidence sur l’incrimination de conduite après usage de stupéfiants, cette infraction étant constituée s’il est établi que le prévenu a conduit un véhicule après avoir fait usage d’une substance classée comme stupéfiant, peu important la dose absorbée ».
C’est par cette décision que la Cour tranche la question. Et puisque le Code de la route n’établit pas de distinction entre la consommation directe de THC et la consommation par le biais du CBD, la sanction encourue correspond à une peine de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.
Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 juin 2023, 22-85.530