Le médecin du travail peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste à l’occasion d’un examen réalisé à la demande de celui-ci, même si l’examen médical a eu lieu pendant la suspension de son contrat de travail.
Dans un arrêt rendu le 24 mai 2023, la Haute juridiction est venue apporter des précisions concernant la déclaration d’inaptitude d’un salarié. Elle affirme que le médecin du travail peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste de travail à l’occasion d’un examen réalisé à la demande de celui-ci, et même en période de suspension de son contrat de travail.
En l’espèce, il s’agissait d’un salarié ayant été placé en arrêt-maladie, période durant laquelle il a sollicité un examen médical. À l’issue de cet examen, le médecin de travail l’a déclaré inapte à son poste et a écarté tout reclassement. Peu de temps après, le salarié était convoqué à un entretient préalable, puis licencié pour inaptitude physique.
Celui-ci a saisi la juridiction prud’homale d’une demande d’indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour d’appel de Metz, par un arrêt du 20 avril 2021, l’a débouté de sa demande. Il a donc formé un pourvoi en cassation.
Plusieurs éléments sont à étudier ici.
1 – L’INITIATIVE DU SALARIE DE SOLLICITER UNE VISITE MÉDICALE
L’ancien article R 241-49 du Code du travail prévoyait déjà que le salarié avait la faculté de solliciter une visite médicale avant la loi « Travail » du 8 août 2016, par l’article R 241-49 du Code du travail.
Désormais, l’article R. 4624-34 , issu du décret du 27 décembre 2016 faisant application de la Loi Travail, dispose de la possibilité pour le salarié de bénéficier d’un examen exercé par le médecin du travail, notamment lorsqu’il anticipe un « risque d’inaptitude » :
« Indépendamment des examens d’aptitude à l’embauche et périodiques ainsi que des visites d’information et de prévention, le travailleur bénéficie, à sa demande ou à celle de l’employeur, d’un examen par le médecin du travail ou par un autre professionnel de santé mentionné à l’article L. 4624-1, au choix du travailleur, dans les conditions prévues par l’article R. 4623-14. Le travailleur peut solliciter notamment une visite médicale, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, dans l’objectif d’engager une démarche de maintien en emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé. (…) ».
En l’espèce, le salarié qui était en arrêt maladie était fondé à envisager qu’il y ait un risque d’inaptitude. La Cour de cassation n’apporte pas de nouvelles précisions quant à cet élément.
2 – L’INAPTITUDE PRONONCÉE PAR LE MÉDECIN MÊME EN PÉRIODE DE SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL DU SALARIE
C’est sur ce point que la Cour de cassation se prononce.
La Cour d’appel avait débouté la demande d’indemnisation du salarié et avait jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse au motif « que l’examen demandé par le salarié visé à l’article R. 4624-34 du code du travail pouvait constituer l’examen médical à l’issue duquel le médecin du travail pouvait constater l’inaptitude tel que visé à l’article R. 4624-42 du code du travail, peu important que cet examen soit réalisé durant un arrêt de travail du salarié ».
En ce sens, la Cour d’appel a considéré que l’inaptitude du salarié peut être prononcée par le médecin du travail au cours de l’examen médical demandé par le salarié.
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’antérieurement à la loi « Travail », les articles L 1226-2 et L 1226-10 du Code du travail prévoyaient que le salarié devait être déclaré inapte « à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail » et ainsi pendant la visite médicale de reprise (dit de manière implicite).
Or, désormais l’article L. 4624-4 du code du travail ne fait plus mention du cadre ou du contexte dans lequel le constat d’inaptitude doit être prononcé. L’article énumère seulement les conditions nécessaires à la réalisation de ce constat :
« Après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur. »
En ce sens, la Cour de cassation est davantage plus libre d’apprécier ou non le contexte ou la situation du salarié au moment du constat de son inaptitude.
Ainsi, la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel.
Avant de vérifier et d’affirmer que le médecin du travail avait bien respecté les conditions, la Cour de cassation conclu que « le médecin du travail peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste à l’occasion d’un examen réalisé à la demande de celui-ci sur le fondement de l’article R. 4624-34 du code du travail, peu important que l’examen médical ait lieu pendant la suspension du contrat de travail. »
C’est la première fois que la Haute juridiction applique ce raisonnement depuis l’application de la Loi « Travail ». Toutefois, avant celle-ci, elle avait déjà admis le licenciement pour inaptitude physique malgré le fait que le premier des deux examens médicaux nécessaires au constat de l’inaptitude avait été pratiqué pendant la prolongation d’un arrêt maladie. (Cass, civ, soc, 20 novembre 2013, 12-17.753).