La Haute juridiction admet le cumul d’indemnisation au titre du licenciement nul et du harcèlement moral.
En droit du travail, lorsqu’une personne subit un préjudice, elle a droit à ce que celui-ci soit réparé et de manière intégrale, c’est le principe de la réparation intégrale du préjudice prévu aux articles L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1235-3, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail. Toutefois, pour une question de sécurité juridique, un même préjudice ne peut être réparé qu’une seule fois.
Il existe cependant des cas dans lesquels il est possible d’effectuer une double réparation. Ainsi, en matière de droit du travail, la Cour de cassation a admis que l’indemnisation du préjudice de harcèlement moral était cumulable avec la réparation de certains préjudices.
En ce sens, il est possible de cumuler des dommages et intérêts pour des agissements d’harcèlement moral et la réparation du préjudice causé par :
– Le manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement (Cass, soc. 6 juin 2012, 10-27.694) ; – Le licenciement sans cause réelle et sérieuse en lien avec le harcèlement (Cass , soc. 19 janvier 2012, 10-30.483) ; – Des discriminations (Cass, soc. 3 mars 2015, 13-23.521) ; – Le manquement de l’employeur à son obligation générale de prévention des risques professionnels (Cass, soc. 27 novembre 2019, 18-10.551).
Dans un arrêt du 1er juin 2023, la Cour de cassation va officiellement admettre un nouveau cumul : celui de la réparation de la nullité du licenciement en lien avec un harcèlement moral, avec des dommages et intérêts pour harcèlement moral.
En l’espèce, un salarié engagé en qualité de responsable de la logistique et du service qualité a été licencié moins de quatre ans après son embauche. Il a estimé avoir été victime de harcèlement moral et a sollicité auprès de la juridiction de première instance diverses sommes au titre :
– d’une part de la rupture de son contrat de travail
– et d’autre part de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Par un arrêt du 19 juillet 2018, la Cour d’appel de Basse-Terre a certes, prononcé la nullité du licenciement mais a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral au motif qu’elle « se confondait avec celle réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et que le salarié ne saurait obtenir une indemnité pour harcèlement et une indemnité pour licenciement nul ». La Cour d’appel avait constaté qu’il existait un lien entre le harcèlement moral subi et le licenciement du salarié.
En ce sens, elle avait retenu « qu’un même préjudice ne peut être indemnisé qu’une seule fois et ne peut donner droit à une seconde réparation ». La Cour d’appel avait donc refusé le cumul d’indemnisation puisqu’elle n’avait pas caractérisé l’existence de deux préjudices distincts.
La Cour de cassation n’était pas de cet avis. Elle a cassé l’arrêt de la Cour d’appel et a ainsi confirmé l’existence d’un nouveau cumul.
Le principe est réaffirmé : « L’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral ». Cela signifie qu’un salarié victime d’un harcèlement moral et dont le licenciement est nul peut être doublement indemnisé au titre de ces deux préjudices. Cette décision est fondée sur le principe de la réparation intégrale du préjudice dont les articles sont mentionnés au visa.
La Cour de cassation, dans cet arrêt, confirme sa jurisprudence du 2 février 2017 dans laquelle elle avait énoncé pour la première fois ce principe (Cass. soc. 2-2-2017 n° 15-26.892). L’intention de la Cour de cassation d’affirmer ce principe s’explique par la réticence de la part des juridictions du fond d’accepter de multiples indemnisations pour réparer ce qu’elles considèrent être un seul et même préjudice.