L’entretien d’évaluation et l’entretien professionnel peuvent se tenir le même jour, pourvu que, lors de la tenue de ce dernier, les questions d’évaluation ne soient pas évoquées.
En matière de droit du travail, l’employeur est tenu d’effectuer un entretien professionnel avec chacun de ses salariés, et ce, au moins tous les deux ans. C’est une obligation imposée par l’article L 6315-1 du Code du travail. Cet entretien est entièrement consacré aux perspectives d’évolution professionnelle du salarié.
Il ne doit pas être confondu avec l’entretien d’évaluation, qui prend souvent la forme d’un entretien annuel entre le salarié et son employeur pour faire un bilan du travail accompli et faire le point sur la réalisation des objectifs. La mise en place d’un tel entretien n’est pas obligatoire mais est d’usage dans certaines entreprises. Elle peut cependant être imposée par une convention collective.
La distinction entre ces deux types d’entretien est cruciale, toutefois, la législation n’apporte pas de précisions quant aux dates de réalisation de ces entretiens.
La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 5 juillet 2023, vient apporter une réponse à cette question.
En l’espèce, une société spécialisée dans l’ingénierie et la construction de projets pour l’industrie de l’énergie, qui disposait de plusieurs établissements, a connu « plusieurs événements tragiques depuis 2015, dont de nombreux syndromes d’épuisement professionnel et plusieurs suicides ». Il s’avère qu’elle procédait à des entretiens professionnels et d’évaluations de ses collaborateurs à la même date.
Le comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et l’un des comités d’établissement (CE), devenus CSE, ainsi que deux syndicats avaient saisi le Tribunal de grande instance pour faire juger que la société n’avait pas respecté son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels.
Ces derniers, affirmant que « cet entretien (professionnel) ne devant pas porter sur l’évaluation du travail du salarié et devant ainsi être distinct de celui relatif à l’évaluation de la prestation de travail du salarié », avançaient que « l’employeur ne peut y convoquer celui-ci à la suite, ou le même jour, de la tenue de son entretien d’évaluation ».
La Cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 16 septembre 2021, a cependant débouté le comité et la Fédération CFDT de leurs demandes. Elle a ainsi jugé que « ni les dispositions légales applicables ni la jurisprudence n’imposent la tenue de ces entretiens à des dates différentes, la seule obligation résidant dans le fait de rédiger deux comptes rendus distincts, ce qui est le cas au sein de la société ».
Bien que la Cour de cassation ait cassé l’arrêt de la Cour d’appel seulement en ce qu’elle n’avait pas caractériser le fait que l’employeur avait satisfait à son obligation de contrôle de la durée du travail afin d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs en matière de durée du travail ; elle a cependant confirmé son raisonnement concernant la possibilité d’organiser l’entretien professionnel et l’entretien d’évaluation annuel à la même date.
En effet, la Cour de cassation mentionne l’article L. 6315-1, I, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 qui dispose que :
« Le salarié bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien, qui ne porte pas sur l’évaluation du salarié, donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié. »
Il résulte de ce texte que l’entretien professionnel doit être strictement séparé de l’entretien d’évaluation. Toutefois, ils peuvent se tenir le même jour.
La Cour de cassation confirme pour la première fois que « ce texte ne s’oppose pas à la tenue à la même date de l’entretien d’évaluation et de l’entretien professionnel pourvu que, lors de la tenue de ce dernier, les questions d’évaluation ne soient pas évoquées ».
Par cette décision, la Cour est venu sécuriser une pratique fréquente dans le monde du travail.