L’accident survenu à un télétravailleur en dehors du lieu de travail ou après le temps de travail n’est pas reconnu comme un accident du travail

L’accident survenu à un télétravailleur en dehors du lieu de travail ou après le temps de travail n’est pas reconnu comme un accident du travail

Le télétravail est de plus en plus utilisé par les salariés depuis l’événement de la crise sanitaire. Cette pratique désigne toute forme d’organisation dans laquelle des missions, qui auraient pu être exécutées au sein des locaux de l’entreprise, sont effectuées par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication.

Les règles relatives aux accidents de travail demeurent néanmoins applicables au télétravail.

Elles sont régies par les articles suivant :

– L 411-1 du Code de la sécurité sociale : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »

– Et L 1222-9 du Code du travail : « I.-Sans préjudice de l’application, s’il y a lieu, des dispositions du présent code protégeant les travailleurs à domicile, le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Est qualifié de télétravailleur au sens de la présente section tout salarié de l’entreprise qui effectue, soit dès l’embauche, soit ultérieurement, du télétravail tel que défini au premier alinéa du présent I.

(…) III.-Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise. L’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte, motive sa réponse. Le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.

L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale ».

 

Dans deux arrêts du 4 mai 2023 et du 15 juin 2023, les Cours d’appel de La Réunion et d’Amiens se sont prononcées sur la question de l’application de la présomption d’imputabilité d’un accident au travail posée par l’article L 1222-9 du Code du travail en matière de télétravail. Dans ces deux affaires, des salariés ont été victimes d’accidents. Ils ont tous deux procédé à une déclaration d’accident de travail.

Dans les deux cas :

– L’organise de sécurité sociale a refusé de prendre en charge l’accident (il s’agit, dans l’une de la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion et, dans l’autre de la caisse primaire d’assurance maladie) ; – Les salariés ont exercé des recours auprès de la commission de recours amiable qui les a rejetés ; – Et ils ont saisi le Tribunal judiciaire compétent qui a reconnu leur accident au titre de la législation professionnelle et donc comme étant des accidents du travail.

Les Cour d’appel de la Réunion et d’Amiens ont respectivement infirmé les décisions des juges du fond. Elle n’ont pas reconnu l’application de la présomption d’imputabilité. Elles appliquent strictement les conditions de l’article L 1222-9 du Code du travail.

En ce sens, la présomption s’applique si l’accident est survenu :

  • « Sur le lieu où est exercé le télétravail…

Dans la première affaire, un salarié qui travaillait depuis son domicile, a entendu un bruit de choc à l’extérieur. La connexion internet s’est interrompue. Il s’est rendu sur la voie publique où il a été victime d’un accident.

La CGSSR a refusé de prendre en charge l’accident au motif que le salarié ne se trouvait plus sur son lieu de travail et que le lien de subordination à l’employeur n’était pas établi au moment de l’accident. Le salarié affirmait que son accident s’est déroulé sur lieu de travail ET dans cadre de l’exécution de son contrat de travail car sa sortie était justifiée par le besoin de trouver l’origine de l’interruption de la connexion, dans le but de reprendre son activité professionnelle.

Pour juger que la présomption d’imputabilité ne s’appliquait pas en l’espèce, la Cour d’appel de la Réunion a analysé deux critères :

Le lieu de l’accident :

Elle a constaté en premier lieu « qu’en sortant de son domicile, alors qu’il exerçait ses missions dans le cadre du télétravail, M. [H] a interrompu son travail » et qu’« il a ainsi cessé sa mission pour un motif personnel ». La Cour d’appel en a conclu « qu’en l’absence de survenance du fait accidentel sur le lieu du travail » la présomption d’imputabilité ne peut s’appliquer.

Le caractère professionnel de l’accident :

En second lieu, la Cour a relevé que « lors de l’accident, à savoir la chute du poteau, M. [H] ne se trouvait pas sous l’aire d’autorité de son employeur, dès lors qu’il ne relevait pas de sa mission inhérente au contrat de travail d’identifier l’origine de la panne informatique. »

Le caractère professionnel de l’accident n’était donc pas établi. La présomption légale d’imputabilité ne joue pas si l’accident survient hors du lieu de travail.

  • et pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur »

Dans la seconde affaire, une salariée qui travaillait depuis son domicile dans le cadre du télétravail, a été victime d’une chute dans les escaliers à 16h02, après avoir arrêté de travailler à 16h01. Pour la CPAM, l’accident de la salariée n’avait pas un caractère professionnel car « elle ne se trouvait pas dans les plages horaires du télétravail et n’était donc plus sous la subordination de son employeur ». Elle a ajouté que « contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, la conception extensive du temps de travail ne pouvait s’appliquer et la présomption d’imputabilité devait être écartée. »

La Cour d’appel a partagé la position de la CPAM.

Tout d’abord, elle a constaté que la salariée avait terminé sa journée de travail et n’était donc plus sous la subordination de son employeur. Ensuite, elle a rappelé qu’« à défaut de présomption d’imputabilité, il appartient à la victime d’apporter la preuve de la matérialité du fait accidentel, de sa survenance par le fait ou à l’occasion du travail et du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel. » Cette preuve ne pouvant résulter des seules déclarations de la salariée. La Cour d’appel en a déduit que la jurisprudence relative à la conception extensive du temps de travail n’était pas transposable en l’espèce puisque le lien entre le fait accidentel et le travail n’était pas établi.

C’est ainsi que les Cour d’appel s’accordent à dire que les règles relatives à l’application de la présomption d’imputabilité sont strictes, même dans le cadre du télétravail. Cependant, en raison du développement de cette pratique depuis la crise sanitaire, il est possible que les décisions de la Cour d’appel deviennent moins sévères en matière de télétravail. Il faut également attendre de connaître la position de la Cour de cassation.

 

Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre sociale, 4 mai 2023, n° 22/00884

CA Amiens 15-6-2023 n° 22/00474, CPAM c/ R.

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