L’action en garantie des vices cachés doit être engagée dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice et également dans un délai butoir de 20 an à compter de la vente du bien.
Le régime applicable à l’action en garantie des vices cachés est prévu aux articles 1641 à 1649 du Code civil.
Ces vices sont définis par l’article 1641 comme étant des « défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »
Le vendeur est tenu de garantir l’acheteur contre les vices cachés.
L’article 1648 dispose que « l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. »
Pour permettre une unification jurisprudentielle, la Cour de cassation s’est prononcée en chambre mixte, réunissant les trois chambres qui traitaient quatre affaires.
Les faits et procédures :
Affaire n°1 :
Un producteur de pulpe de tomate a commandé à une autre société des poches de conditionnement pour cet aliment qui était en réalité détérioré. Le producteur a assigné la société ainsi que son assureur sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Affaire n°2 :
Une personne a acheté un véhicule d’occasion qui est tombé en panne. Ce dernier a agi en réparation contre le fabricant sur le même fondement. Le fabricant a formé un pourvoi en cassation en affirmant que l’action en garantie était prescrite.
Affaire n°3 :
En l’espèce, deux acquéreurs ont assigné à la fois le vendeur, le fabricant et son assureur, en raison d’un défaut de fabrication sur un véhicule également acheté d’occasion.
Seul le vendeur a été condamné à indemniser les acquéreurs car les juges du fond ont jugé que l’action contre le fabricant était prescrite. Ils ont condamné le fabricant à garantir le revendeur, dans le cadre d’une action récursoire.
Affaire n°4 :
Dans cette affaire, une société agricole a découvert l’existence d’infiltrations dans la toiture d’un bâtiment, dont la couverture avait été confiée à un constructeur. La société agricole a assigné le constructeur, le fournisseur et le fabricant en indemnisation de son préjudice. S’en ait suivie une action en garantie des vices cachés intentée par le constructeur à l’encontre de son fournisseur et du fabricant. Le constructeur a été condamné à indemniser la société. Et il a formé un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel qui avait jugé que son action récursoire contre le fournisseur et le fabricant était prescrite.
Dans toutes ces affaires, les défauts de fabrication avaient été constatés par des expertises judiciaires. La Cour de cassation a dû faire face à deux problématiques majeures concernant la recevabilité des actions en garantie des vices cachés.
1) Le délai de 2 ans posé par l’article 1648 du Code civil est-il un délai de prescription ou un délai de forclusion ?
Dans la première affaire, la Cour a été contrainte d’éclaircir un point non négligeable, à savoir la nature du délai posé par l’article 1648 du Code civil.
Cette qualification est importante : S’il s’agit d’un délai de prescription, alors il peut être interrompu ou suspendu ; mais s’il s’agit d’un délai de forclusion, il ne peut qu’être interrompu et non suspendu.
La loi ne s’exprime pas à ce sujet. En effet, la Cour mentionne le fait qu’« il (le législateur) n’a pas spécialement qualifié le délai imparti par le premier alinéa à l’acheteur pour agir en garantie contre le vendeur en application de l’article 1641 du code civil. (…) La Cour de cassation l’a parfois qualifié de délai de forclusion (…), parfois de délai de prescription. »
Elle énonce ainsi que « Les exigences de la sécurité juridique imposent de retenir une solution unique. »
La Cour de cassation en conclut que « le délai biennal prévu à l’article 1648, alinéa 1er, du code civil est un délai de prescription. » car « l’objectif poursuivi par le législateur étant de permettre à tout acheteur, consommateur ou non, de bénéficier d’une réparation en nature, d’une diminution du prix ou de sa restitution lorsque la chose est affectée d’un vice caché, l’acheteur doit être en mesure d’agir contre le vendeur dans un délai susceptible d’interruption et de suspension. »
En conséquence, le délai peut être interrompu par une assignation en référé et également être suspendue lorsqu’une mesure d’expertise est ordonnée.
2) Ce délai de prescription est-il encadré par un délai « butoir » ?
Le délai butoir est la durée maximale au-delà de laquelle aucune action ne peut plus être engagée contre un débiteur.
Dans ces trois autres affaires, la Cour de cassation nous offre un raisonnement détaillé justifiant sa décision. La question qui se posait était de savoir si le délai de 2 ans pour agir en garantie des vices cachés était encadré par un autre délai, appelé délai butoir.
La Cour de cassation effectue un avant/après la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.
Avant la loi, il existait un délai butoir de droit commun de 10 ans applicable aux contrats commerciaux, et de 30 ans applicable aux contrats civils. Le point de départ était le jour de la vente. La loi va réduire le délai de prescription de droit commun à 5 ans. Les points de départ diffèrent.
La loi ajoute également l’article 2232 au Code civil qui dispose que : « Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »
La Cour en déduit que « le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l’article 1648, alinéa premier, du code civil, à savoir la découverte du vice. »
C’est ainsi que la Cour de cassation, réunie en chambres mixtes, consacre l’existence d’un délai butoir de 20 ans qui encadre l’action en garantie des vices cachés. Désormais, l’action en garantie des vices cachés doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice ET dans un délai de 20 ans à compter de la vente du bien.
Cette décision s’explique par la nécessité d’éclaircir et d’unifier la jurisprudence de la Cour de cassation, et par le besoin d’établir un équilibre entre
– le droit pour les acquéreurs de pouvoir agir, même tardivement, lorsqu’ils découvrent un vice caché ;
– et le droit pour les commerçants (fabricants et/ou vendeur) de ne pas avoir à garantir indéfiniment les acquéreurs.
Cette règle s ‘applique tant pour les ventes simples que pour les chaînes de contrat.
Cass, Chambre mixte, 21 juillet 2023, 20-10.763
Cass, Chambre mixte, 21 juillet 2023, 21-15.809