Obligation vaccinale

Obligation vaccinale

Dans un effort pour endiguer la pandémie et de réduire les hospitalisations dues à la covid-19, les pays ont tout d’abord mis en place des restrictions. Désormais, pour rouvrir leurs portes aux touristes, ils mettent en place des conditions afin d’autoriser l’entrée dans leur pays. La plus courante restant celle de fournir un test PCR négatif de moins de 48 heures. En revanche Malte, a décidé qu’il fallait être vacciné pour passer sa frontière. Lors de la dernière allocution du président de la République, celui-ci a annoncé que les français ne pourraient plus avoir accès à certains lieux ou activités sans présenter un passe-sanitaire. Ce passe-sanitaire est délivré notamment après injection des deux doses du vaccin.

Beaucoup de controverses ont émergé quant à cette obligation vaccinale. La question se pose pour de nombreuses personnes de savoir si elles peuvent tout de même refuser de se faire vacciner, et quelles seraient les conséquences de ce refus.

L’avant-projet de loi du gouvernement prévoyait une obligation de présenter le passe-sanitaire sous peine soit de se voir refuser l’accès à certains espaces (tels que les restaurants), et, pour certaines professions, le licenciement si sous deux mois le salarié n’a pas présenté un passe-sanitaire.

Le Conseil d’État dans son avis du 19 juillet 2021 validait cet avant-projet dans son ensemble à quelques exceptions près. Notamment concernant la restriction des centres commerciaux et grands magasins aux personnes détentrices du passe-sanitaire car cela pourrait être trop restrictif et empêcher certaines personnes d’accéder aux magasins leur permettant de se ravitailler en nourriture. Selon le conseil, cette restriction serait trop grande et disproportionnée par rapport au but recherché. Ce dimanche 25 juillet, le Parlement a adopté le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire adopté par le Parlement. Certaines modifications ont été apportées. Par exemple, concernant l’obligation de présentation du passe-sanitaire pour les salariés et les risques qu’ils encourent s’ils échouent à respecter cette obligation. Désormais, ce n’est plus le licenciement qui est prévu. Dans le cas où le salarié est soumis à l’obligation de présenter son passe sanitaire et qu’il ne respecte pas cette obligation, alors, avec l’accord de l’employeur il peut poser ses jours de repos conventionnels ou ses jours de congés payés. À défaut, l’employeur peut notifier le jour même par tout moyen, la suspension de son contrat de travail. S’il y a défaut de présentation sous trois jours travaillés, alors un entretien entre l’employeur et le salarié sera organisé. Lors de cet entretien les moyens possibles afin de régulariser la situation du salarié (affectation temporaire à un autre poste par exemple) seront examinés.

Le défaut de présentation du passe-sanitaire pour les personne en contrat à durée indéterminée n’aboutira pas à un licenciement, mais à une suspension obligatoire du contrat de travail.

En revanche les salariés en CDD peuvent toujours être licencié s’ils ne présentent pas le passe-sanitaire. Ce dernier sera obligatoire jusqu’au 15 novembre.

Qu’en est-il alors des salariés en CDD ou ceux en CDI ayant pris tous les jours de congés et de repos conventionnels qu’ils pouvaient, et ne pouvant être transféré temporairement dans un autre service ? Le salarié sera-t-il licencié ?

La présentation du passe-sanitaire comme condition pour que le salarié ait toujours son emploi ou le fait d’être temporairement changé de services semble contredire plusieurs textes rappelant des libertés et droits fondamentaux.

Le principe de sauvegarde de la dignité humaine est un principe auquel le Conseil constitutionnel a accordé une valeur constitutionnelle par sa décision « bioéthique » du 27 juillet 1994. Elle l’a déduit du préambule de la Constitution de 1946 « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». Le Conseil d’État affirme, lui, que « le respect de la dignité de la personne humaine » est une des composantes de l’ordre public dans son arrêt du 27 octobre 1995, « Commune de Morsang-sur-Orge » (n° 136727). Un grande importance est donc accordée à la dignité humaine, que l’on doit protéger. Si la personne refuse un soin, le fait de passer outre sa volonté, pourrait être vu comme une violation de ce principe.

Ce principe n’est en revanche pas le seul grand principe protégeant la personne et son corps de violations faites par des tiers.

L’inviolabilité du corps humain est un principe posé à l’article 16-1 du Code civil qui dispose que « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable […] ».

Enfin, l’article 16-3 du Code civil poursuit : « Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ». Selon ce principe, il n’est ni possible de porter atteinte à l’intégrité du corps humain de la personne, ni intervenir sur sa personne sans son consentement. Si des personnes ne veulent pas se faire vacciner, l’intervention ne peut être possible sans le consentement de ces personnes. L’obligation vaccinale violerait ce principe d’inviolabilité du corps humain.

L’article 11 de la loi « Kouchner » de 2002 prévoit, pour le Code de la santé publique, que « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.

Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables.

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment » (Article L. 1111-4 Code de la santé publique).

En somme, si un traitement médical est refusé, le médecin doit respecter sa volonté. L’avis de chacun concernant les soins qu’ils veulent ou non recevoir est essentiel, et les médecins ne peuvent en principe y déroger.

Ainsi, tant au niveau national qu’international, la liberté de recevoir ou non des soins est un principe que l’on retrouve à l’article L 1111-4 du Code de la santé publique en France. Mais aussi u niveau européen, la CEDH dans son arrêt Salvetti du 9 juillet 2002 rappelle que « En tant que traitement médical non volontaire, la vaccination obligatoire constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales ». Enfin, au niveau international, la Convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine du 4 avril 1997 (ratifiée par la France en 2012), garantit les libertés individuelles, et précise à l’article 3 que « l’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science ». Elle n’impose aucune vaccination obligatoire au motif de la primauté de l’être humain. Et en son article 5 elle rappelle qu’« une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l’intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques. La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement », c’est-à-dire que le consentement de la personne au soin est primordial.

Si l’on s’en tient à ces textes fondamentaux protégeant les libertés donc, la vaccination obligatoire ne peut exister puisqu’elle passe outre le consentement de la personne humaine à ce traitement.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme en 2013 et 2015 avait rendu des arrêts concernant l’obligation vaccinale et l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme. Il serait possible pour certains de voir la CEDH déclarer que le passe-sanitaire viole les droits protégés par la Convention. En revanche il reste à voir la façon dont elle apprécierait les faits, tout en sachant qu’il est laissé aux États une marge de manœuvre.

Les Hautes juridictions rappellent toujours que toute atteinte faite aux libertés et droits fondamentaux des individus doit l’être dans un but précis et proportionné à l’objectif recherché. En effet, le Conseil d’Etat dans son avis du 14 juillet 2021 précise que « l’application du « passe sanitaire » à chacune des activités pour lesquelles il est envisagé de l’appliquer doit être justifiée par l’intérêt spécifique de la mesure pour limiter la propagation de l’épidémie, au vu des critères mentionnés précédemment et non par un objectif qui consisterait à inciter les personnes concernées à se faire vacciner. ». Le but recherché en somme, c’est la gestion de la crise sanitaire de la covid-19. Les vaccins contre la covid-19 permettraient de limiter les cas de cas grave de la maladie. Certains de ces cas graves pouvant entraîner la mort, ou des complications de santé sur le long terme. Cependant, reste à savoir si la méthode utilisée par le gouvernement est proportionnée et si une autre n’aurait pas été plus opportune.

Est-ce que le fait pour un salarié risquant de se faire licencier parce qu’il n’a pas fait un vaccin qui ne l’empêche pas de contaminer ou d’être malade juste de l’être moins gravement est une méthode proportionnée ?

L’article 23 de la déclaration universelle des droits de l’homme affirme le droit au travail de toute personne mais aussi le libre choix de son travail. Or, l’obligation de présentation du passe sanitaire et les sanctions qui en découlent semblent empiéter sur ce droit fondamental rappelé par la DUDH. Il s’agit en effet pour le salarié d’une contrainte sur son droit du travail.

La défenseur des droits, Claire Hédon a publié le 20 juillet son avis quant aux modalités voulues par le gouvernement du passe-sanitaire. Si elle reconnaît « l’importance de la vaccination dans la lutte contre la pandémie » elle « s’interroge tant sur la méthode que sur le caractère proportionné de la plupart des dispositions et restrictions présentes ». La défenseur des droits aura relever dix points portant atteinte aux libertés et droits de chacun, notamment l’absence d’un débat démocratique sur la question « compte tenu de l’ampleur des atteintes aux droits et libertés fondamentales prévues par ce projet de loi ». Mais aussi l’entrave à la liberté d’aller et venir, les nombreux caractères discriminatoires pouvant découler de ce projet. Par exemple les risques de discriminations dans l’emploi, en ce que ce « les mesures prévues par le projet de loi ont pour conséquence d’opérer in fine une distinction entre les travailleurs ». Par ailleurs, la vaccination obligatoire pour certaines professions pose la question de savoir si la sanction est proportionnée, celle-ci pouvant aller jusqu’au licenciement.

Ainsi, la vaccination obligatoire viole nombre de droits et libertés. Cette obligation pourrait par ailleurs entraîner des discriminations. Les conséquences de ce projet ne semblent pas proportionnées au but recherché.

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