Vers une généralisation globale du suicide comme circonstance aggravante ?

Vers une généralisation globale du suicide comme circonstance aggravante ?

Le suicide n’est pas, en lui-même, un acte pénalement répressible.

En effet, selon les canons anciens, le suicide était perçu comme un acte condamnable par l’Église (même si le mot « suicide » n’est apparu qu’en 1734 en France), car c’était avant tout une tentative d’homicide contre soi-même où l’auteur était sanctionné et était condamné à l’enfer.

Mais depuis le Code pénal de 1810, le suicide n’est plus réprimé, le droit prenant dès lors en compte le suicidé comme une victime et non plus un coupable.

De nos jours, si le suicide est considéré comme un droit, comme exprimé par le Conseil constitutionnel allemand, la gravité de l’acte a poussé le droit à le considérer comme quelque chose à empêcher.

Ainsi, par exemple, l’aide au suicide est proscrit par l’article 223-6 du Code pénal, qui le classe comme « non-assistance à personne en danger » ; ou encore, la provocation au suicide est, depuis 1987, un infraction propre (art.223-13 à 15-1 du Code pénal).

Mais le droit pénal français ne s’est pas arrêté là, et a aussi pris en compte les cas de suicides reliés à d’autres infractions, pour alors en faire une circonstance aggravante (mais uniquement si l’auteur n’a pas manifesté la volonté de voir la victime se suicider, ou si l’infraction est plus grave, sinon la provocation au suicide serait caractérisée)

Ainsi, la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales fait du suicide (ou « suicide forcé ») de la victime une circonstance aggravante pouvant entraîner une peine de 10 ans d’emprisonnement.
Au même titre, la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyber-harcèlement a ajouté elle aussi le suicide comme circonstance aggravante entraînant une peine de 10 ans.

La nouveauté ?

Un arrêt de la Cour de cassation, dans sa formation criminelle, du 29 mars 2023, qui fait du suicide de la victime une circonstance aggravante du crime de séquestration.
Se basant sur l’article 224-2 du code pénal, qui font de la mutilation, d’une infirmité conséquente ou de la mort de la victime, des circonstances aggravantes, la Cour de cassation relève alors que, bien que le suicide ne soit pas physiquement relié à la séquestration et puisse se produire bien après les faits, il reste directement relié à cette dernière.

Donc, sans raisonner par analogie, et sa remettre en cause les principes de légalité criminelle et d’interprétation stricte, la Cour considère que la mort par suicide rentre dans le cadre de la mort prévue par l’article 224-2.

Tout ceci soulève alors une question : ne voit-on pas alors apparaître une généralisation du suicide comme circonstance aggravante des infractions d’atteinte à la personne ?

Crim. 29 mars 2023, F-B, n° 22-83.214

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