À défaut de droit de jouissance sur le bien, il n’y a pas d’indemnité d’occupation
Concernant les droits relatifs à la propriété, la Cour de cassation est stricte.
Il est important de redonner quelques définitions.
– Une indivision : situation dans laquelle plusieurs personnes disposent de droits de même nature sur un même bien. Il peut s’agir d’un droit de propriété ou d’usufruit.
– L’usufruit : le droit de jouir d’un bien sans en être propriétaire.
– La nue-propriété : La nue-propriété (nue-propriétaire) est l’inverse : elle désigne le propriétaire d’un bien qui n’en a pas la jouissance.
– Le principe du démembrement de propriété : division de la pleine propriété d’un bien immobilier en deux parties, la nue-propriété et l’usufruit.
Par une décision du 1er juin 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation vient apporter des précisions relatives au cas d’indivision portant sur la nue-propriété.
En l’espèce, un couple possédait la nue-propriété d’un bien dans lequel il a fixé son domicile conjugal. La mère du mari était l’usufruitière.
Le couple décida de se séparer, et le 12 mai 2014, le juge aux affaires familiales a rendu une ordonnance de non- conciliation dans laquelle il a attribué la jouissance à titre onéreux du domicile conjugal au mari, étant le bien indivi en nu propriété avec l’épouse.
Un jugement du 26 mai 2016 a prononcé le divorce et le 10 avril 2018, l’ex-épouse a assigné son ex-mari en liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Par un arrêt du 17 février 2021, la Cour d’appel de Nîmes a condamné l’ex-époux à verser à son ex-épouse une indemnité d’occupation pour la jouissance privative du domicile conjugal à compter du 12 mai 2014.
La Cour d’appel a justifié sa décision par le fait que « la seule privation de jouissance subie par le coïndivisaire génère un droit à indemnité » et que le « démembrement de propriété est sans incidence sur la privation de jouissance subie par l’épouse » dès lors que l’ex-époux occupe effectivement le bien indivis malgré le démembrement.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes.
En effet, elle applique les articles du visa strictement. Les articles 815-9 et 582 du code civil disposent respectivement que l’indemnité due au titre de l’occupation d’un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l’indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère.
Et que « l’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit. »
En l’espèce, les ex-époux ne disposaient que d’un droit de nue-propriété et non un droit d’usufruit (qui impliquerait un droit de jouissance).
Ainsi, en raison de l’existence d’une usufruitière (la mère de l’ex-époux), l’ex-épouse, en sa qualité de nue-propriétaire, ne pouvait prétendre à une indemnité ayant pour but de réparer la préjudice causé par la perte des fruits qu’elle ne percevait pas.
En ce sens, la Cour de cassation rappelle que pour que l’indemnité soit due par l’indivisaire, il faut qu’il existe une indivision en jouissance entre les nus-propriétaires.