Rappel : les loyers des baux commerciaux restent dus par le locataire, même en cas de fermeture des locaux pendant la période de confinement.
La Cour de cassation doit de plus en plus faire face aux conséquences juridiques de l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Elle va rendre plusieurs décisions qui s’inscrivent dans la continuité des trois affaires « pilotes », du 30 juin 2022, qui concernent l’exigibilité des « loyers covid » en période de crise sanitaire (Civ. 3e, 30 juin 2022, nos 21-20.127, 21-20.190 et 21-19.889). La position de la Cour tranche en faveur du bailleur.
Dans cet arrêt du 15 juin 2023, la Cour a maintenu cette position.
En l’espèce, il s’agissait d’une locataire d’un bail commercial, utilisé en tant que résidence de tourisme, qui a été assignée par le bailleur en paiement d’un arriéré locatif étendu au solde des loyers des 1er et 2ème trimestres 2020, soit ceux échus alors que les mesures restrictives gouvernementales liées à la crise sanitaire s’appliquaient.
La Cour d’appel de Grenoble, par un arrêt du 5 novembre 2020, a condamné la locataire à payer au bailleur certaines sommes au titre des susdits loyers (CA Grenoble, 5 novembre 2020, n°16/04533).
La locataire s’est principalement fondée sur la force majeure, qui correspond à « un événement présentant un caractère imprévisible, lors de la conclusion du contrat, et irrésistible dans son exécution ». Elle affirmait que l’impossibilité pour elle d’exercer son activité, en raison des mesures de restrictions gouvernementales, avait entraîné la « perte totale de sa clientèle, s’apparentant à la perte de la chose due ». Qu’en ce sens elle faisait face à un cas de force majeure susceptible de l’exonérer, temporairement, du paiement des loyers.
La Cour d’appel a toutefois rejeté le moyen tiré de la force majeure et a condamné la locataire. À la suite de cela, la Cour de cassation a maintenu sa position.
Elle cite dans son visa l’article 1148 du Code civil, qui dispose qu’« il n’y a lieu à aucuns dommage-intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ». Le raisonnement de la Cour de cassation s’accompagne de précisions quant à l’application de la force majeure et énonce que l’irrésistibilité n’est « pas caractérisée si l’exécution est seulement rendue plus difficile ou onéreuse. » Enfin, elle rappelle un principe issu de sa jurisprudence du 16 septembre 2014 en ce que « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure ». (Com., 16 septembre 2014, pourvoi n° 13-20.306)
C’est en ce sens que la Cour conclu que « l’impossibilité d’exercer une activité du fait des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus covid-19, ne pouvait exonérer la locataire du paiement des loyers échus pendant les premier et deuxième trimestres 2020. »
Cette décision était prévisible. En effet, elle demeure la même depuis les arrêts du 30 juin 2022, et encore après les arrêts du 23 novembre 2022 (Civ. 23 nov ; 2022, n° 21-21.867 et n° 22-12.753) : les loyers commerciaux restent dus par le locataire, même en cas de fermeture des locaux pendant la période de confinement.