La situation complexe de la filiation en matière de transidentité

La situation complexe de la filiation en matière de transidentité

La transidentité est une phénomène de plus en plus présent à notre époque qui, de par son aspect social important et son impact direct sur la vie civile d’un individu, est devenu une problématique de plus en plus importante en droit.

Sans entrer dans le débat d’ordre moral, le droit a progressivement retenu le statut des individus transgenres un peu partout dans le monde.

En France, son évolution est toute récente du fait d’une opposition à un principe fondamental du droit civil : le principe d’indisponibilité de l’État civil.

Ce principe, mis en place après la Révolution, veut qu’un individu, une fois né, ne puisse modifier son État civil : nom, date de naissance, sexe, etc.
Sauf quelques petites exceptions apparaissent avec le temps, mais le genre de l’individu n’en est pas une.

Un seul cas exceptionnels apparaîtra dans les années 80 : l’acceptation de changement d’État civil de personnes ayant subis, de force, un changement de sexe du fait d’expériences nazies.
Aucun changement volontaire n’est cependant accepté à cette période.

Cependant, avec les années, le changement de sexe s’étant simplifié, le droit français a admis, par étapes, le changement de sexe sur l’état civil : il fallait, en 2012, subir un traitement hormonal et une opération chirurgicale définitive pour changer officiellement (et définitivement) de sexe, permettant alors une atteinte restreinte au principe d’indisponibilité de l’État civil.
Mais en 2016, la nouvelle loi du 18 novembre permet cela sans changement définitif.

L’atteinte au principe d’indisponibilité est alors énorme, un individu pouvant changer de sexe sur une seule appréciation morale, et ce sans limite du nombre de fois, ce qui inquiète de nombreux juristes.

Le problème ici ? Un individu né femme peut devenir légalement homme mais tout de même donner naissance à un enfant par méthode utérine.

Donc cette personne est-elle la mère ou est-il le père ?

C’est exactement le problème qu’a dû résoudre la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en Allemagne, qui possède en la matière un droit très proche du nôtre.

En effet, un homme né femme a accouché femme et voulait être reconnu père de l’enfant. L’officier d’État civil a refusé, et a affilié l’individu à l’enfant en tant que mère. Le parent a donc poursuivi cette décision, mais sa demande a été rejetée par les juridictions du fond, et ignorée par leur Conseil constitutionnel.

L’individu a alors agit devant la CEDH.

Celle-ci s’est alors prononcée le 4 avril 2023 : le refus des autorités d’inscrire sur l’état civil un homme transgenre en tant que père ou une femme transgenre en tant que mère ne viole pas la Convention européenne des droits de l’homme.

C’est donc aux États de décider s’ils acceptent cela ou non (ouvrant alors d’autres problématiques quand à la reconnaissance de la filiation à l’international).

En France, le droit français, avait déjà eu du mal avec la filiation en matière de mariages gays, car les procédures d’adoptions voire de naissances in vitro ne permettaient pas nécessairement de voir les 2 parents reconnus.
De plus, la cour d’appel de Montpellier avait déjà statué en 2018 sur une situation semblable où le parent transsexuel avait été simplement reconnu comme « parent biologique », sans préciser le sexe, sur l’acte de naissance de l’enfant.

Donc si aucune décision définitive ou d’une autorité supérieure n’a été rendue en la matière, il semblerait peu probable qu’on y voit une réponse différente de celle de l’Allemagne si la question venait de nouveau à être posée.

CEDH 4 avr. 2023, n° 53568/18

Montpellier, 14 nov. 2018, n° 16/06059

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