Les dispositions de l’article 1242 du Code civil concernant la responsabilité parentale déclarées conformes à la Constitution
L’article 1242 du Code civil, qui représente le cadre légal de la responsabilité du fait d’autrui, dispose que : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. (…)
Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. (…)
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. (…) »
Les dispositions légales évoquées ci-dessus semblent être claires, pourtant un très long débat jurisprudentiel s’est tenu sur la question de savoir comment interpréter la notion « habitant avec eux » applicable à la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs.
Pour y répondre, une approche juridique a été consacrée.
Alors, la notion de cohabitation a été assimilée à la résidence habituelle de l’enfant telle qu’elle résulte soit de la loi, soit d’une décision de justice.
Ainsi, le parent chez lequel l’enfant réside en vertu de la loi ou d’une décision de justice, est responsable des faits commis par son enfant, sans pouvoir invoquer l’absence de faute de sa part.
Cette responsabilité de plein droit, comment fût-elle dénommée par la jurisprudence, a été exemplifié lors d’un arrêt du 8 février 2005, retenant que « les père et mère d’un enfant mineur dont la cohabitation avec celui-ci n’a pas cessé pour une cause légitime ne peuvent être exonérés de la responsabilité de plein droit pesant sur eux que par la force majeure ou la faute de la victime.» (Crim. 08 févr. 2005, n° 03-87447).
Concernant la cause légitime qui peut provoquer la cessation de la cohabitation, la jurisprudence l’a limité à la loi et aux décisions de justice.
Dans une autre affaire, la Cour de cassation avait retenu que même si l’un des parents garde l’autorité parentale, celui-ci est considéré comme n’étant pas responsable de plein droit dès-lors que la résidence habituelle est fixée chez l’autre parent et que le fait dommageable commis par l’enfant n’a pas eu lieu durant son temps de visite (Civ. 2ème, 21 décembre 2006, n°05-17540).
Cette solution a été reprise plus tard lors d’un autre affaire devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui avait indiqué que la responsabilité de plein droit incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant a été fixée, même dans la situation où l‘autre parent, bénéficiaire d’un droit de visite, exerce conjointement l’autorité parentale (Crim. 08 févr. 2005, n° 03-87447).
C’est ainsi que la responsabilité de plein droit a été étendu même à la situation où l’enfant créé un préjudice alors qu’il se trouve avec le parent attributaire du seul droit de visite et d’hébergement, car « l’exercice du droit de visite et d’hébergement ne créé aucune rupture dans le lien juridique entre le parent chez lequel l’enfant a sa résidence habituelle et l’enfant lui-même. » (Arrêt de la Cour d’appel de Limoges du 05 août 2003).
La même solution est applicable dans la situation où les parents n’ont jamais vécu avec leur enfant, malgré la résidence habituelle de l’enfant fixée chez eux par décision de justice.
C’était le cas, d’un mineur qui avait vécu avec sa grand-mère pendant près de 12 années, et qui avait provoqué un incendie.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel qui avait déclaré la grand-mère responsable, en retenant que même si : « le mineur avait été confié, par ses parents, qui exerçaient l’autorité parentale, à sa grand-mère » cette situation « n‘avait pas fait cesser la cohabitation de l’enfant avec ceux-ci » (Crim. 08 févr. 2005, n° 03-87447).
Dans ce contexte jurisprudentiel, le Conseil Constitutionnel a été saisi le 17 février 2023 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Les requérants ont mis en cause la conformité à la Constitution du quatrième alinéa de l’article 1242 du Code civil et notamment des mots « habitant avec eux ».
Ils ont invoqué que les dispositions sous-visées « institueraient une différence de traitement injustifiée entre les parents, dès lors que seul le parent chez lequel la résidence de l’enfant est fixée est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit. Elles institueraient également une différence de traitement injustifiée entre les victimes, qui n’auraient pas la possibilité de rechercher la responsabilité de plein droit de l’autre parent. »
De plus, « ces dispositions inciteraient le parent chez lequel la résidence de l’enfant n’a pas été fixée à se désintéresser de son éducation. Elles méconnaîtraient ainsi l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit au respect de la vie privée ainsi que le droit de mener une vie familiale normale ».
Après l’analyse des pièces et textes légales, le Conseil Constitutionnel avait retenu qu’en cas de divorce ou de séparation la situation de deux parents est différente, car le juge avait fixé la résidence de l’enfant mineur à un des deux.
Étant donné la différence de situation, une différence de traitement est justifiée. En plus, elle est en rapport avec l’objet de la loi.
En outre, les dispositions visées par le QPC en elles-mêmes, n’instituent aucune différence entre les victimes d’un dommage causé par le mineur.
Ainsi, le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions ne méconnaissent ni le principe d’égalité, ni le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit au respect de la vie privée ou le droit de mener une vie familiale normale.
Alors, les dispositions de l’article 1242 du Code civil et notamment le syntagme « habitant avec eux » ont été déclarées conformes à la Constitution et par ça, le Conseil a confirmé la jurisprudence de la Cour de cassation sur les dispositions précitées.
Conseil constitutionnel -Décision n° 2023-1045 QPC 2023-1045