Cour de cassation : l’équité de la procédure pénale prime sur le formalisme

Cour de cassation : l’équité de la procédure pénale prime sur le formalisme

En vue de son importance, la procédure pénale doit demeurer toujours équitable et contradictoire, car elle a pour fin de préserver l’équilibre des droits des parties.

À cet effet, toute procédure interne doit respecter, bien évidemment, la Convention européenne des droits de l’homme.

Les dispositions les plus redoutables sont celles de l’article 6§1 de la Convention, concernant le droit à un procès équitable.

Dans ce contexte, il est important de préciser que l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que le droit d’exercer un recours peut être soumis à des conditions légales.

Toutefois, il se déduit de sa lecture, qu’en appliquant les règles de procédure, les juges doivent éviter un excès de formalisme qui serait susceptible de porter atteinte à l’équité de la procédure.

Ainsi, il est manifeste que l’équité de la procédure doit l’emporter sur toute condition légale pour laquelle un recours devant les juges peut être soumis.

Le problème de décider quand et dans quelles conditions l’équité de la procédure doit être priorisée face à son formalisme, s’est encore posé en avril dernier, lors d’un litige tranché par la Cour de cassation.

Avant d’exposer les faits et afin de faciliter la compréhension, un brève explication s’impose sur la procédure d’instruction.

L’instruction ou l’information judiciaire est une phase au cours de laquelle un juge spécialisé, appelé juge d’instruction, est saisi afin d’enquêter sur des faits susceptibles d’être constitutifs d’un crime ou d’un délit.

En l’espèce, dans une procédure d’instruction, la partie civile a désigné plusieurs avocats pour représenter ses intérêts. Parmi les avocats désignés, elle a désigné personnellement l’avocat X faisant partie de la SCP XY.

Ultérieurement, l’avocat Y faisant partie de la même SCP XY a déclaré appel contre l’ordonnance du juge d’instruction, pour le compte de la partie civile.

Au regard des articles 115 et 502 du Code de procédure pénale, la chambre d’instruction de la Cour d’appel saisie, a déclaré irrecevable l’appel formé par l’avocat Y pour le compte de la partie civile, en considérant que « l’avocat qui fait une déclaration d’appel ne peut exercer ce recours au stade de l’instruction que si la partie concernée a préalablement fait le choix de cet avocat et en a informé la juridiction d’instruction, que cette désignation doit être nominative et porter sur une personne physique régulièrement inscrite à un barreau et que l’appel a en l’espèce été interjeté par un avocat non régulièrement désigné. »

En effet, la désignation de l’avocat Y n’a pas été conforme aux articles précités. Cependant, avant d’interjeter appel, l’avocat a demandé et obtenu de la juridiction la copie du dossier, l’avis de fin d’information, le réquisitoire définitif et l’ordonnance de règlement.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la chambre d’instruction qui avait déclaré irrecevable l’appel formé au nom de la partie civile par l’avocat Y, au motif que ce dernier n’avait pas été régulièrement désigné.

En se fondant sur les dispositions de l’article 6 du CEDH, la Cour de cassation a retenu que même si l’avocat Y n’avait pas été régulièrement désigné, le juge d’instruction a considéré qu’il avait été personnellement choisi par la partie civile, puisque la juridiction avait délivré à cet avocat la copie du dossier et l’avis de fin d’information, le réquisitoire définitif et l’ordonnance de règlement.

Ainsi, en opposant à la partie civile, au stade de l’appel, l’irrégularité de la désignation de l’avocat Y, la chambre d’instruction a fait preuve d’un formalisme excessif et a méconnu les textes et les principes prévus par les articles préliminaires du Code de la procédure pénale et 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cour de cassation – pourvoi_n°23-80.675_19_04_2023

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