Rappel du principe de liberté de la preuve en matière prud’homale

Rappel du principe de liberté de la preuve en matière prud’homale

Selon l’article L. 1221-1 Code du travail : « Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter. »

Il s’avère alors que le régime de la preuve en matière prud’homale est érigé par le Code civil, et en particulier, par l’article 1353 et suivants du Code civil.

Ainsi, les dispositions du Code civil sont également applicables dans les procédures devant les juridictions prud’homales, sauf disposition contraire.

Étant donné l’objet de cette discussion, l’article 1358 du Code civil est de fort intérêt, car il dispose que le principe est la liberté de la preuve.

À cet effet, les juges doivent faire preuve de vigilance quand ils décident d’écarter des éléments de preuve apportés par les parties, puisqu’un tel écartement doit demeurer exceptionnel.

C’était notamment le cas, lors d’un litige tranché par la Cour d’appel de Toulouse, qui opposait un salarié ayant fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire, à son employeur.

Étant saisie par le salarié d’une demande en nullité de la sanction, la Cour a écarté les preuves apportées par l’employeur, car d’un côté, il s’agissait d’un témoignage provenant d’un salarié intervenant accessoire dans la procédure, et de l’autre côté, d’un témoignage anonymisé d’un autre salarié.

Elle n’a pas considéré non plus, les comptes-rendus des entretiens de la direction des ressources humaines avec ces deux salariés, relatifs aux agissements du demandeur à leur encontre.

En conséquence, l’employeur n’a pas pu prouver que les faits incriminés à l’encontre du salarié existent et qu’ils constituent des fautes.

Par la suite, l’employeur a saisi la Cour de cassation.

Elle avait alors cassé l’arrêt attaqué et, en vue de l’article 6, § 1 et 3, de la Convention européenne des droits de l’homme et le principe de liberté de la preuve en matière prud’homale a retenu que :

– bien si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés,  lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence,

– en déclarant sans valeur probante l’attestation anonyme et le compte-rendu des entretiens avec la direction des ressources humaines, la Cour d’appel avait constaté que ces deux pièces n’étaient pas les seules produites par l’employeur pour caractériser la faute du salarié et

– il appartenait au juge d’apprécier la valeur et la portée des preuves apportées par l’employeur.

Ainsi, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 6, § 1 et 3, de la Convention européenne des droits de l’homme et le principe de liberté de la preuve en matière prud’homale.

Par conséquent, le principe de liberté de la preuve étant consacré, le juge ne peut écarter, ni les témoignage des salariés intervenants volontaire à titre accessoire au soutien de la prétention de l’employeur, ni les témoignages anonymisés des salariés, car il détient toujours la prérogative d’apprécier souverainement la valeur et la portée des preuves.

France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 avril 2023, 21-20308

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