Les préjudices d’une non-délivrance d’un bail et leur indemnisation

Les préjudices d’une non-délivrance d’un bail et leur indemnisation

La Cour de cassation est venue, le 6 avril dernier, expliquer les préjudices pouvant découler d’un manquement à une obligation de délivrance du bailleur ainsi que l’indemnisation possible.

Tout d’abord, l’obligation de délivrance, prévue à l’article 1719 du code civil, prévoit que, dans un contrat de bail, le bailleur doit non seulement délivrer la chose au locataire, c’est à dire lui la fournir, mais aussi l’entretenir pour qu’elle puisse servir son but.
Cela forme alors la base de toute location : la chose doit être fournie et entretenue par l’individu qui loue la chose (quelque soit la nature de cette dernière, allant du bien mobilier, comme un objet, à un bien immobilier, comme des locaux).

L’arrêt du 6 avril est cependant venu préciser ce qui se passe en cas de manquement à cette obligation.

En l’espèce, une société disposant de locaux assigne les propriétaires du fait de l’état décrépis de la bâtisse. Elle demande alors la réparation du bien, et une indemnisation des préjudices causés par le non-accomplissement des travaux.

Le bailleur ne pouvant réaliser cela (car en liquidation judiciaire), le locataire change cela en demande d’indemnisation des coûts et des préjudices liés à l’état du bien, rendant l’activité de la société impossible.

Jusqu’où peuvent alors aller ces préjudices ?

Les tribunaux du fond ont limité ces préjudices : le tribunal d’instance reconnaissait un manquement à l’obligation de délivrance, mais n’acceptait d’indemniser qu’uniquement les préjudices résultant « directement » de ce manquement.

La cour d’appel avait cependant reconnu qu’il y avait un préjudice de perte de chance lié à l’impossibilité d’exploiter les locaux dans le cadre de l’activité de l’entreprise.

Que répond alors la Cour de cassation à cela ?

Elle donne à la fois raison et tort à la cour d’appel :

sur l’indemnisation du coût des travaux, la Cour de cassation les considère valables. Cependant, elle les qualifie non pas en tant qu’indemnisation d’un préjudice, mais en tant qu’avance sur l’exécution des travaux.

sur la perte de chance due à l’impossibilité d’exercer son activité, la Cour de cassation la considère encore valable. Mais là encore, elle relève une nuance : le montant d’indemnisation doit être déterminé : soit avec une expertise judiciaire ; soit, à défaut de cette première, à niveau du montant du prix d’acquisition du bail.

Ainsi, la Cour étend les actions possibles contre un défaut de délivrance, mais les délimite tout de même.

Civ. 3e, 6 avr. 2023, FS-B, n° 19-14.118

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